Les revers de la fabrication du jean

8 novembre 2023

Le jean est un symbole intemporel de la mode et un pilier essentiel du dressing, aussi bien masculin que féminin. Il incarne l’esprit décontracté et la polyvalence qui ont conquis le monde entier depuis des décennies. Cependant, derrière son apparence intemporelle se cachent des problématiques environnementales complexes et significatives. Aujourd’hui je vous emmène explorer l’impact de sa production et de sa consommation sur l’environnement, et découvrir comment nous pouvons prendre des mesures pour rendre notre amour pour les jeans plus durable. En effet, il est crucial de sensibiliser les acheteurs, mais sans actions concrètes, cela crée simplement de l’anxiété. Alors je ferai aussi le point sur les solutions émergeantes ou existantes.

La fabrication d’un jean est un processus exigeant et complexe et gourmand en ressources, impliquant plusieurs étapes cruciales, chacune avec son propre impact environnemental (Itinéraire d’un jean).

Nous verrons ces étapes selon le plan suivant :

  1. La culture du coton
  2. De la récolte à la filature des fibres de coton
  3. Teinture du denim
  4. Le tissage
  5. La confection du jean
  6. Les finitions
  7. De l’usine de production à la boutique de quartier
  8. Les initiatives pour un jean plus durable

1- La culture du Coton

La première étape est la culture du coton, fibre textile majoritaire dans la production d’un jean. Sa culture est un processus à la fois traditionnel et hautement mécanisé qui mérité d’être exploré en profondeur.

1-1- Le cotonnier

Depuis des siècles, le coton est une fibre végétale précieuse qui a façonné l’histoire de l’humanité. Cette plante, appartenant au genre Gossypium, est originaire d’Inde. Les preuves archéologiques suggèrent que des tissus de coton étaient fabriqués dans la vallée de l’Indus dès 2500 avant JC. Les Arabes ont ensuite joué un rôle essentiel dans la diffusion du coton à travers le monde, le transportant le long des routes commerciales pour l’Europe et l’Afrique. D’ailleurs, le nom « coton » vient de l’arabe « qutun » qui désigne la fibre de coton.

Le cotonnier est un arbuste qui peut atteindre une hauteur d’environ un mètre. Ses exigences en lumière et chaleur sont importantes. Il préfère les climats humides et chauds. Les zones tropicales qui offrent des périodes très humides suivies de périodes chaudes et sèches sont idéales. Entre les semis et la récolte, il faut entre 150 et 200 jours pour obtenir les capsules qui contiennent les graines entourées des fibres de coton. Ces fibres, longues et fines, sont la partie la plus précieuse de la plante. Pour la récolte, les agriculteurs doivent ouvrir mécaniquement les capsules et extraire les fibres.

Aujourd’hui le coton est cultivé dans de nombreuses régions du monde et 4 pays se partagent presque les ¾ de la production mondiale : la Chine, l’Inde, les Etats-Unis et le Brésil. Fibre naturelle la plus utilisée dans le monde, sa culture représente environ 25% de la production mondiale des fibres textiles (Le coton).

Les pays producteurs de coton

culture du coton dans différents pays du monde pour la fabrication de jeans

1-2- Les différentes étapes de la culture du coton

  1. Préparation du Sol : Avant la plantation, le sol est préparé en fonction des besoins du coton. Il doit être bien drainé et fertile pour permettre la croissance de la plante.
  2. Plantation : Les graines de coton sont semées dans les champs. Elles germent en quelques jours et donnent naissance aux plantules.
  3. Soins : Les cultivateurs veillent à ce que les plants de coton reçoivent suffisamment d’eau, d’engrais et de protection contre les ravageurs. La plante nécessite une attention constante pour maximiser le rendement en fibres.
  4. Floraison : Les plantes de coton produisent des fleurs qui se transforment en capsules de coton. À l’intérieur de ces capsules, les fibres de coton commencent à se développer.
  5. Récolte : Le moment de la récolte est critique. Les capsules sont récoltées lorsque les fibres de coton sont mûres. Cela se fait généralement mécaniquement.
  6. Décorticage : Une fois récoltées, les capsules sont décortiquées pour séparer les fibres du reste de la plante et des graines.
  7. Pressage et Emballage : Les fibres de coton sont pressées en balles et emballées pour être expédiées dans les usines de transformation textile.

1-3- Les défis de la culture du coton

a- Une plante gourmande en eau

Les besoins en eau pour la culture

Le coton est une plante qui pousse dans des régions chaudes et sèches. Pourtant, pour se développer correctement, le cotonnier doit maintenir un taux d’humidité optimal pour la croissance des feuilles, des fleurs et des capsules de coton. Sa culture nécessite en moyenne 4000L d’eau par kg de fibre de coton. Cette quantité varie énormément d’un pays à l’autre selon la pluviométrie et la nature du sol. La plupart des régions où le coton est cultivé ont un climat caractérisé par de fortes températures et de faibles précipitations. Dans ces régions, l’irrigation artificielle est souvent nécessaire pour compenser le manque de pluie et maintenir un niveau d’humidité adéquat pour le coton. L’apport en eau est donc essentiel pour la production de fibres de coton de qualité.

Par ailleurs, la demande de coton est élevée en raison de son utilisation dans la production de textiles. L’effet pervers de cette demande est l’utilisation d’une irrigation intensive pour stimuler la croissance, augmenter la production et obtenir des rendements élevés.

Une longue période de croissance

Le coton nécessite une période de croissance relativement longue qui peut s’étendre jusqu’à 200 jours, en fonction des conditions locales. Ce cycle est beaucoup plus long que la plupart des autres cultures annuelles. Au cours de cette période, la plante doit recevoir de l’eau régulièrement pour assurer une croissance constante et une production de fibres de qualité.

culture du coton pour la fabrication de jeans
Champs de coton

b- L’utilisation d’engrais et de pesticides

Les engrais

Le coton est une culture exigeante en éléments nutritifs, nécessitant des quantités importantes d’azote, de phosphore et de potassium pour sa croissance et son développement. Les engrais fournissent ces éléments nutritifs essentiels, ce qui augmente la productivité de la culture et la qualité des fibres.

  • Azote : L’azote est essentiel pour la formation des protéines végétales et la croissance des feuilles. Il favorise la vigueur de la plante et la formation de capsules de coton.
  • Phosphore : Le phosphore est nécessaire à la formation des racines et à la floraison du coton. Il joue un rôle clé dans la production de graines.
  • Potassium : Le potassium renforce la résistance de la plante aux maladies, améliore la qualité de la fibre et régule l’ouverture des capsules de coton.

Malgré leur importance, l’utilisation excessive ou inappropriée d’engrais peut avoir des conséquences environnementales néfastes. Voici quelques-uns des principaux enjeux environnementaux associés à l’utilisation d’engrais dans la culture du coton :

  1. Pollution de l’eau : Lorsque les engrais sont appliqués en excès, les éléments nutritifs non absorbés par les plantes peuvent s’infiltrer dans le sol et contaminer les sources d’eau souterraine, les rivières et les lacs. Cela peut entraîner la prolifération d’algues et d’autres organismes nuisibles, affectant la qualité de l’eau.
  2. Émissions de gaz à effet de serre : La production et l’utilisation d’engrais azotés sont associées à la libération de gaz à effet de serre, notamment le protoxyde d’azote (N2O), un puissant gaz à effet de serre contribuant au changement climatique.
  3. Perte de biodiversité : L’excès d’engrais peut dégrader les écosystèmes terrestres et aquatiques, réduisant la biodiversité. Les espèces aquatiques et terrestres peuvent être affectées par la pollution et les changements environnementaux induits par les engrais.
  4. Appauvrissement des sols : Une utilisation excessive d’engrais sans une gestion appropriée peut épuiser la fertilité des sols, ce qui nécessite davantage d’engrais pour maintenir la productivité, créant ainsi un cycle vicieux coûteux et préjudiciable.
Les pesticides

Dans la culture du coton, les pesticides sont souvent utilisés pour protéger les plants des insectes nuisibles, des champignons et des mauvaises herbes. Cependant, leur utilisation présente également des risques pour l’environnement.

  1. Résidus dans les sols et les eaux : Les résidus de pesticides peuvent s’accumuler dans le sol et être lessivés dans les cours d’eau, contaminant ainsi les écosystèmes aquatiques et affectant la faune aquatique.
  2. Impact sur la biodiversité : Les pesticides peuvent tuer non seulement les ravageurs ciblés, mais aussi d’autres organismes, y compris des espèces bénéfiques comme les pollinisateurs. Cela peut déséquilibrer les écosystèmes et nuire à la biodiversité.
  3. Résistance aux pesticides : L’utilisation répétée de pesticides peut entraîner une résistance des ravageurs aux produits chimiques, nécessitant des doses de plus en plus élevées pour maintenir leur efficacité. Cela peut entraîner un cercle vicieux de dépendance aux pesticides.

2- De la récolte du coton à la filature : un processus en filigrane

Le processus de transformation du coton en fils prêts à être tissés est une succession d’étapes cruciales. Chaque étape de ce processus nécessite des compétences spécifiques et une attention méticuleuse pour garantir la qualité du produit final.

2-1- La récolte

Lors de la floraison, le cotonnier produit des fleurs blanches à jaunes qui contiennent des capsules remplies de graines de coton entourées de fibres. Ces fibres sont la partie récoltée pour la production de textile. La récolte doit être réalisée au moment optimal pour obtenir des fibres de la meilleure qualité. Traditionnellement, il était récolté à la main, travail fatiguant et exigeant. Cependant, la mécanisation a considérablement simplifié le processus. Les machines agricoles modernes, appelées “cotonneuses”, arrachent les capsules des plantes, séparent les fibres de coton des graines et les compressent en balles pour le transport.

2-2- Le désencollage et le nettoyage

Le désencollage consiste à séparer les fibres de coton des graines et des débris. Cette opération est effectuée à l’aide de machines qui écrasent les capsules pour libérer les fibres. Ensuite, les fibres sont nettoyées pour éliminer les impuretés telles que les morceaux de feuilles, les graines et la poussière. Ce processus, appelé “égrenage”, permet d’obtenir des fibres de coton pures prêtes pour la transformation en produits finis.

2-3- Le cardage

Les fibres passent ensuite par un processus appelé le cardage qui consiste à les démêler en les passant à travers des peignes spéciaux. Cela permet de les aligner dans une direction, créant ainsi une bande continue de fibres de coton prêtes à être filées.

2-4- La filature

La filature est la phase finale de la transformation des fibres de coton en fils. Les fibres cardées sont tirées à travers une série de rouleaux rotatifs pour les étirer et les tordre, et créer les fils. Ces fils peuvent être enroulés sur des bobines ou des cônes pour faciliter leur transport et leur utilisation ultérieure dans la production de textiles.

2-5- Les défis de la filature du coton

Le blanchiment du coton est une étape utilisée pour transformer du coton brut en un coton blanc et immaculé. Cette étape est réalisée en utilisant divers produits chimiques tels que le chlore gazeux, l’eau de Javel, le peroxyde d’hydrogène, et d’autres agents de blanchiment. Ces produits chimiques sont efficaces pour éliminer les impuretés et les colorants naturels du coton, mais bien entendu leur utilisation comporte des risques pour l’environnement (Le coton).

  1. Consommation d’eau et d’énergie : Le processus de blanchiment du coton nécessite d’importantes quantités d’eau et d’énergie. L’utilisation excessive de ces ressources non renouvelables peut aggraver la crise de l’eau et contribuer aux émissions de gaz à effet de serre.
  2. Émission de gaz toxiques : Lorsque les produits chimiques de blanchiment réagissent avec les impuretés du coton, ils peuvent produire des sous-produits potentiellement toxiques, tels que le chlore gazeux. L’émission de ces gaz toxiques peut avoir un impact négatif sur la qualité de l’air et la santé humaine.
  3. Rejets de produits chimiques dans l’eau : Les eaux usées issues du processus de blanchiment contiennent souvent des résidus de produits chimiques qui peuvent polluer les cours d’eau locaux. Cela peut avoir un effet dévastateur sur les écosystèmes aquatiques, en tuant la vie aquatique et en perturbant l’équilibre écologique.
  4. La perte de matière première : L’ADEME estime que 10% du coton est perdu entre la récolte et la filature. Ainsi, un jean qui nécessite 600 g de tissu de denim pour le produire, aura en fait nécessité 670g de coton.

3- Teinture du denim

3-1- De l’indigo aux teintures synthétiques

L’indigo, plante originaire d’Asie, a été l’un des premiers colorants utilisés pour teindre le denim (L’indigo). Cette teinture naturelle est à l’origine de la teinte bleue caractéristique du jean. Très courante dans de nombreuses cultures, c’est à la fin du 19ème siècle que le denim teint à l’indigo est devenu particulièrement populaire aux États-Unis, avec l’avènement des jeans par Levi Strauss et Jacob Davis.

La teinture à l’indigo est différente de la plupart des autres méthodes de teinture. Contrairement à la teinture conventionnelle, où la couleur pénètre profondément dans les fibres du tissu, la teinture à l’indigo reste en surface, le cœur de la fibre restant blanc. Cela signifie que, au fil du temps, le denim peut s’estomper de manière unique, créant un aspect usé et patiné qui fait tout le charme du denim.

teinture indigo utilisée pour la fabrication de jeans
Teinture à l’indigo

Au fil des ans, l’art ancestral de la teinture du denim est devenu plus sophistiquée pour répondre aux exigences de l’industrie de la mode contemporaine. Dans la majorité des cas, l’indigo synthétique a remplacé l’indigo naturel, qui lui, n’est utilisé que par une poignée de marques, comme 1083 en France par exemple. La teinture du denim a un impact considérable sur l’industrie de la mode en permettant aux marques de créer des produits uniques et d’exprimer leur créativité. C’est grâce à la teinture qu’on peut acheter un jean brut ou délavé, ombré ou coloré façon tie-dye.

Bien au-delà du côté esthétique, la teinture du denim contribue à l’empreinte environnementale de fabrication du jean. Les produits chimiques utilisés dans certains processus de teinture peuvent être nuisibles pour l’environnement s’ils ne sont pas correctement gérés.

3-2- Les défis de la teinture du denim

  1. Utilisation intensive de produits chimiques : La teinture du denim implique l’utilisation de colorants et de produits chimiques, tels que des colorants azoïques, des agents de fixation, des agents de blanchiment et des produits chimiques pour ajuster la couleur. Beaucoup de ces produits chimiques sont toxiques et peuvent contaminer les sols et les eaux environnantes.
  2. Consommation d’eau importante : La teinture du denim nécessite de grandes quantités d’eau. Les usines de teinture de denim utilisent souvent des procédés de teinture à l’eau, ce qui signifie que d’importantes quantités d’eau sont utilisées pour immerger les tissus et éliminer les excès de colorants. Cela peut entraîner un stress sur les ressources en eau locales, en particulier dans les régions où l’eau est déjà rare.
  3. Rejet de produits chimiques dans l’environnement : Les usines de teinture du denim rejettent fréquemment des produits chimiques toxiques et des colorants non utilisés dans les cours d’eau environnants. Ces rejets peuvent avoir des effets néfastes sur la faune, la flore et les écosystèmes aquatiques.
  4. Énergie et émissions de gaz à effet de serre : Le processus de teinture du denim est énergivore, notamment en raison de la nécessité de chauffer l’eau pour les procédés de teinture. La consommation d’énergie et les émissions de gaz à effet de serre associées à ce processus contribuent au changement climatique.
  5. Élimination des déchets : Les usines génèrent des déchets, notamment des boues de teinture, des produits chimiques usés et des déchets solides. La gestion inadéquate de ces déchets peut entraîner une pollution du sol et des risques pour la santé humaine.

4- Le tissage du denim : un art ancien pour un vêtement intemporel

4-1- Les différents tissages denim

Il existe différents types de tissage du denim, chacun avec ses propres caractéristiques, ce qui confère des caractéristiques distinctes aux tissus et permet de créer une variété de styles de jeans adaptés à différents besoins et préférences. Le choix du tissage du denim dépend du design du jean, de son utilisation prévue et du confort recherché par le porteur.

Le denim est souvent composé de deux fils, l’un étant teint en bleu et l’autre restant blanc. Cela crée ce contraste classique de couleurs de ce tissu.

Voici quelques-uns des principaux types de tissage du denim :

1-Le tissage sergé : Le tissage sergé est le type de tissage le plus courant pour le denim. Il est reconnaissable par ses lignes diagonales distinctes qui forment un motif en “Z” ou en “S”. Ce motif est ce qui donne au jean sa texture unique et sa solidité. Le tissage sergé donne aux vêtements en denim leur aspect caractéristique et leur permet de résister à l’usure quotidienne tout en restant confortable à porter.

2-Le tissage toile : Contrairement au tissage sergé, ce tissage est un motif droit qui ne présente pas de lignes diagonales. Il est souvent utilisé pour les denims plus légers et plus fins, ce qui les rend adaptés aux climats plus chauds ou aux vêtements d’été. Les denims à tissage toile sont moins résistants que les denims à tissage sergé.

3-Le tissage croisé : Il combine des fils de chaîne plus épais avec des fils de trame plus fins, créant un aspect texturé. Ce type de denim est souvent utilisé pour créer des styles de jeans vintage, car il peut développer un bel aspect vieilli avec le temps.

4-Le tissage double face : il présente des motifs de tissage différents sur les deux faces du tissu. Il peut être utilisé pour créer des jeans réversibles ou des vêtements avec un aspect contrasté à l’intérieur et à l’extérieur.

5-Le tissage selvedge : Parfois aussi appelé “selvage”, c’est un tissage particulier qui produit un bord auto-ourlé (selvedge) sur les côtés du tissu. Ce type de denim est souvent utilisé dans la fabrication de jeans de haute qualité et est reconnu pour sa finition soignée et sa durabilité.

6-Le tissage stretch : Les denims à tissage stretch incorporent des fibres élastiques (comme le spandex ou l’élasthanne) dans le tissu pour offrir une plus grande extensibilité et un confort accru. Ce type de denim est couramment utilisé pour les jeans ajustés et les modèles qui nécessitent une plus grande liberté de mouvement.

toile denim pour la fabrication de jeans
Toile denim prête pour la confection des jeans

4-2- Les défis du tissage du denim

Les microplastiques

Les fibres synthétiques souvent associées au coton dans la fabrication du jean, généralement du polyester ou de l’élasthanne, sont une source majeure de microplastiques. Les microplastiques sont de petites particules de plastique, généralement de moins de 5 mm de diamètre, qui proviennent de diverses sources, notamment les vêtements synthétiques, les emballages en plastique, les pneus usés et même les produits de soin corporel. Lorsqu’il s’agit du denim, le problème réside principalement dans les tissus mélangés contenant des fibres synthétiques.

Ces fibres se cassent progressivement au fil des lavages et des usures. À chaque cycle de lavage, des milliers de microplastiques sont libérés dans l’eau, qui finissent par se retrouver dans les océans et les écosystèmes marins. Ils persistent des décennies dans l’environnement, contribuant ainsi à la pollution plastique à long terme. Malheureusement, ils sont difficiles à éliminer une fois qu’ils sont présents dans l’environnement. Ces particules microscopiques sont ingérées par la faune marine et peuvent ainsi entrer dans la chaîne alimentaire humaine. De plus, lorsque nous portons nos jeans, de minuscules particules peuvent se détacher et être ingérées ou inhalées. Bien que la recherche sur les effets potentiels des microplastiques sur l’Homme soit encore en cours, le problème soulève des préoccupations quant à l’impact sur la santé humaine.

5- La confection du jean

5-1- Les étapes clés

La confection du jean permet d’assembler les morceaux de tissu découpés en une paire de jeans fonctionnelle et esthétiquement attrayante. Cette étape implique plusieurs opérations :

  1. La coupe du tissu : Le denim est étalé en plusieurs couches, puis les motifs de coupe sont superposés pour obtenir la dizaine de pièces nécessaires à la confection du jean, telles que les jambes, la ceinture, les poches et les passants de ceinture.
  2. L’assemblage : Les morceaux de denim coupés sont assemblés pour former la structure du jean. Les couturiers(ières) suivent une trentaine d’étapes sur des machines à coudre spéciales pour assembler les différentes pièces, en veillant à ce que les coutures soient solides et durables. Les coutures en fil de coton épais sont une caractéristique emblématique des jeans.
  3. Les poches : Elles sont un élément essentiel du jean. Elles sont cousues à l’intérieur et à l’extérieur du pantalon, contribuant à la fonctionnalité et à l’esthétique du jean. Les poches arrière, par exemple, sont souvent ornées de surpiqûres distinctives.
  4. La fermeture éclair et les boutons : La fermeture éclair est fixée à l’aide de machines spéciales, tandis que les boutons sont souvent attachés à la main pour garantir leur solidité.

5-2- Les défis de la confection du jean

a- Le gaspillage de tissu

L’une des principales préoccupations environnementales associées à la confection du jean est le gaspillage de tissu. Les patrons de coupe sont conçus pour optimiser l’utilisation du tissu, mais il reste inévitablement des chutes de matière. Ces chutes, souvent de forme irrégulière, sont difficiles à réutiliser efficacement, ce qui entraîne une quantité considérable de déchets textiles.

b- Les boutons

Les boutons ajoutés aux jeans sont généralement en métal, ce qui implique l’extraction de ressources naturelles et l’énergie nécessaire pour leur production. De plus, les processus de galvanisation et de teinture des boutons peuvent également avoir un impact environnemental négatif en raison de l’utilisation de produits chimiques potentiellement toxiques.

6- Les finitions du jean

6-1- L’ajout de rivets  

Les rivets sont utilisés pour renforcer les zones sujettes à l’usure, comme les poches et les passants de ceinture.

L’histoire des rivets dans la confection du jean remonte au XIXe siècle, à l’époque de la ruée vers l’or en Californie. Levi Strauss, un immigrant allemand, est crédité de l’invention du jean moderne et de l’ajout de rivets pour les renforcer. Il a d’abord utilisé des rivets de cuivre pour renforcer les coins des poches et empêcher le tissu de se déchirer sous la tension causée par les objets lourds que transportaient les mineurs.

Cette innovation a connu un grand succès, car elle a considérablement prolongé la durée de vie des jeans, en particulier dans des environnements de travail difficiles. Aujourd’hui, cette tradition perdure, et l’ajout de rivets est devenu un élément distinctif des jeans de qualité.

les finitions dans la fabrication de jeans
Historiquement, les rivets renforçaient les zones d’usure comme les poches

6-2- Les effets spécifiques

La finition du jean est une étape cruciale qui lui donne son aspect final. Cela peut inclure le délavage, la décoloration, le grattage et d’autres traitements pour créer des effets spécifiques, tels que les jeans usés, vieillis, délavés ou déchirés. En effet, on a vu plus haut que la teinte bleue naturelle du denim s’estompe avec le temps.  Mais il faut de nombreux lavages et beaucoup de patience pour décolorer un denim brut. C’est pourquoi, depuis près de 50 ans, les fabricants de vêtements en jean accélèrent artificiellement le processus de vieillissement pour avoir des produits en toile denim « pré-usés ».

Le sablage est une méthode qui permet de faire disparaître la pigmentation du tissu. Il est ainsi possible d’éclaircir le tissu aux endroits souhaités, conférant à l’ensemble un aspect délavé. Pour atteindre cet effet, du sable abrasif est projeté sur le denim, soit manuellement à l’aide d’un canon, soit mécaniquement dans une cabine. C’est la technique la plus courante pour la finition des jeans, car elle est la plus économique.

D’autres techniques sont également utilisées, comme le ponçage avec des pierres, communément appelé le “stone wash“. Apparu dans les années 1970, c’est la toute première technique de délavage inventée. Elle consiste à placer le jean dans une grande machine avec des pierres ponces. Le mouvement répété des pierres sur le denim provoque l’usure souhaitée suite aux frottements.

Depuis les années 1980, le délavage chimique est également utilisé, impliquant notamment l’utilisation d’agents de blanchiment tels que le permanganate de potassium ou le chlore.

6-3- Les défis de la finition du jean

L’ajout de rivets et de boutons  

L’un des principaux problèmes réside dans l’extraction et la production du métal utilisé pour fabriquer les rivets. La production de métaux, en particulier l’aluminium et le cuivre, est une activité très énergivore et polluante.

Une autre préoccupation environnementale majeure liée aux rivets est le processus de fixation lui-même. Pour fixer les rivets, il est nécessaire d’utiliser des machines industrielles, souvent alimentées par des sources d’énergie non renouvelables. Dans certain cas, leur fixation nécessite l’utilisation de produits chimiques, tels que les adhésifs et les fixatifs. Ces produits chimiques peuvent être nocifs pour l’environnement s’ils ne sont pas correctement gérés.

  1. Le délavage : Le délavage est souvent obtenu en utilisant des enzymes et des produits chimiques pour éliminer la couleur du denim. Les produits chimiques utilisés peuvent contaminer les eaux usées si leur élimination n’est pas correctement gérée.
  2. La décoloration : Les processus de décoloration et de teinture nécessitent également l’utilisation de produits chimiques, notamment des agents de blanchiment. Les déversements de ces produits chimiques dans l’environnement peuvent avoir des conséquences graves.
  3. Qu’il soit manuel ou mécanique, le sablage requière une intervention humaine. Pour les travailleurs, cela peut entraîner une maladie pulmonaire incurable connue sous le nom de silicose, l’une des premières maladies professionnelles répertoriées. S’il est interdit en Grande-Bretagne depuis 1950 et dans toute l’Europe depuis 1966, il reste encore utilisé dans cette région du globe. https://cleanclothes.org/resources/national-cccs/fashion-victims-a-report-on-sandblasted-denim
  4. Le “stone washing” a un impact environnemental significatif, car il nécessite également une grande quantité d’eau. De plus, les travailleurs inhalent également de la poussière lors de cette opération.

7- De l’usine de production à la boutique de quartier

Une fois finis, les jeans sont acheminés aux quatre coins du monde pour être vendus. L’un des aspects les plus intrigants de cette histoire est la distance impressionnante qui sépare souvent les usines de fabrication des jeans des points de vente. En effet, ces usines sont souvent situées à des milliers de kilomètres des boutiques où nous les achetons. Quels sont les défis logistiques et économiques de cette industrie décentralisée ?

7-1- Voyage à travers les continents

Le jean est l’un des pantalons les plus populaires au monde. Symbole de la mondialisation avec 2,3 milliards de paires vendues chaque année, les ventes de jeans génère un chiffre d’affaires de 58 milliards de dollars annuel (Ventes de jeans dans le monde).

Cette mondialisation de l’industrie du jean est étroitement liée à la répartition géographique de la production.

Les raisons de cette dispersion sont multiples. L’une des plus importantes est la recherche de coûts de main-d’œuvre moins élevés. De nombreuses usines de fabrication de jeans ont été délocalisées vers des pays où la main-d’œuvre est moins chère. Cela permet aux fabricants de réduire les coûts de production, ce qui se traduit par des prix de vente plus compétitifs. On l’a vu plus haut, la fabrication d’un jean comprend plusieurs étapes, comme le tissage, la découpe, la couture, la teinture, les finitions. Chaque paire de jeans passe par ces étapes, et il arrive que chacune soit réalisée dans une usine différente ! La dispersion de ces étapes est un défi logistique majeur. Les composants d’un jean – le tissu, les boutons, les fermetures éclair, etc. – doivent être acheminés d’une usine à l’autre, parfois à des milliers de kilomètres de distance. Cette complexité logistique est gérée grâce à des chaînes d’approvisionnement bien organisées et à des entreprises spécialisées dans la logistique internationale.

La longue distance entre les usines et les points de vente ne concerne pas seulement les matières premières et la fabrication, mais aussi la distribution des jeans finis. Les jeans sont expédiés par avion, bateau, train, et camion pour être distribués dans le monde entier. Cette chaîne de distribution mondiale permet de répondre à la demande constante de ces vêtements emblématiques.

7-2- L’exemple de Levi Strauss

Levi’s, en tant que leader du secteur, détient une part de marché de 5,3 % à l’échelle mondiale (La saga du jean). La première usine Levi Strauss a ouvert ses portes à San Francisco en 1873. Au début des années 1980, l’entreprise possédait 63 usines aux États-Unis mais aujourd’hui, plus aucun jean Levi’s fabriqué aux États-Unis. Ils sont fabriqués dans de nombreux endroits à travers le monde, comme le Mexique, la Turquie, le Bangladesh, la Chine, le Vietnam, le Sri Lanka ou l’Indonésie. La société a également des usines de production en Europe, en Asie, en Amérique du Nord et en Amérique du Sud. Plus de 70 usines Levi’s produisent des jeans levi’s dans le monde surtout dans des pays émergents attractifs sur le plan de la main d’œuvre, à la fois qualifiée et de faibles coûts, et de la fiscalité. Généralement, vous savez où votre 501 a été fabriqué en regardant l’étiquette qui indiquera le lieu de fabrication spécifique. Il existe encore cependant une production limitée aux États-Unis essentiellement pour certains produits hauts de gamme.

7-3- Xintang : capitale du jean

Surnommée la “cité de la mode” en raison de sa domination dans la production de jeans, Xintang produit à elle seule 40 % des jeans vendus aux États-Unis (La capitale mondiale du jean). Cependant, la ville fait face à une série de problèmes. Conséquence de la mondialisation, la concurrence sur le marché du jeans est âpre, des coûts de production en augmentation, des financements insuffisants, une main-d’œuvre de plus en plus coûteuse, une absence de marques de renom, une baisse de la qualité du design.

Le développement du jean à Xintang est représentatif des défis auxquels est confrontée l’industrie textile chinoise. Malgré des décennies de croissance, les profits sont minces, et l’impact environnemental est important. Il faudrait que l’industrie se réoriente vers la production de meilleure qualité, en mettant l’accent sur la qualité du matériau, la conception du produit et la formation du personnel.

7-4- Les défis de la distribution et de la vente des jeans

L’industrie du jean est confrontée à des défis environnementaux liés à cette dispersion géographique. Pour la plupart, les usines sont situées dans des pays en voie de développement et la demande en jeans provient des pays occidentaux, comme les Etats-Unis et les pays européens. Par conséquent, des milliers de kilomètres sont parcourus pour acheminer les jeans depuis leur lieu de production jusqu’aux rayons des magasins. Ce transport massif génère des émissions de gaz à effet de serre, contribuant ainsi au réchauffement climatique.

On voit souvent avancer le chiffre faramineux 65 000 km parcouru pour la production d’un jean, du champ de coton au magasin de vente, soit 1,5 fois le tour de la planète. Malheureusement, je n’ai pas réussi à trouver la source citant ce chiffre, ni la méthode utilisée pour obtenir ce résultat, donc je ne sais pas s’il vraiment certifié. Mais finalement peu importe le chiffre précis car il est certain que la fabrication du jean a une empreinte carbone non négligeable.

8- Les initiatives pour un jean plus durable

L’industrie de la mode en général, et les producteurs de jeans en particulier, sont de plus en plus conscients de leur impact sur l’environnement. De nombreuses marques cherchent aujourd’hui à adopter des pratiques plus durables à chaque étape du processus de fabrication.

Voici un tableau qui résume les moyens par lesquels l’industrie du jean tente d’atténuer les effets négatifs de chaque étape de fabrication :

les initiatives pour une fabrication de jean plus durable

Concluons sur une note d’espoir

Le jean est un élément de notre garde-robe que nous chérissons tous. Cependant, en reconnaissant les problèmes environnementaux liés à sa production et à sa consommation, nous pouvons changer notre relation avec ce vêtement emblématique. En adoptant de nouvelles pratiques de consommation, telles que faire des choix plus éclairés, privilégier la qualité sur la quantité et soutenir des marques éthiques, nous pouvons contribuer à réduire l’empreinte carbone de l’industrie de la mode.

Catherine Bernard

Couturière, créatrice et fan de mode, j’ai créé Reborn Factory Créations pour lutter contre le gaspillage textile. J’utilise l’upcycling pour transformer nos jeans usagés en sacs uniques. Retrouvez tout mon univers sur https://rebornfactorycreations.com/

catherine bernard créatrice de reborn factory créations
Photo L. Rannou

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